Hors série : Septembre 2020
Confinement – Déconfinement
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Les trois mois de confinement ont été vécus de manière très variable selon qu’on était citadin ou rural, nanti ou défavorisé, en famille ou seul, bien portant ou fragile, jeune ou âgé, résident d’un foyer ou d’un EHPAD, sans abri, en transit…
Au cours de ces mois chaotiques, nombreux sont celles et ceux qui ont éprouvé le besoin de témoigner de leur vécu ou de celui des autres : il fallait laisser une trace de cet épisode singulier, s’épancher, pendant ou après coup, tromper l’ennemi, confier ses doutes, ses craintes.
Résultat : un monde soudain grossi à la loupe surgit, mettant en évidence des failles, mais aussi des forces ; le sens de nos actes prit un autre relief, la question de la destinée humaine devint plus que jamais d’actualité.
Des textes reçus, certains évoquent simplement le lieu de vie, l’appartement qui, dans de telles conditions de réclusion, revêt une importance capitale. Contraint dans quelques mètres carrés, Bernard Dato (Mon appartement) réalise ainsi que son logement « résout le seul paradoxe philosophique qui vaille : le Tout est Un et division à la fois… » ; pendant ce temps, Nicolas Lemarin (Sept fractions d’étages confinés) se fait « passe-muraille » pour mieux infiltrer l’intimité des locataires d’un immeuble parisien de sept étages.
Josette Pellet (Confinement et confinement) laisse retentir à son tour plusieurs sons de cloche : tous les confinés ne sont pas logés à la même enseigne. Avec Brouillard, Michel Betting, nostalgique, souligne la fadeur des jours, quand Jacques Michonnet (Liberté sous conditions) s’agace des contrôles policiers étroits à la moindre sortie.
Plus loin, lors d’une visite à la tombe paternelle, Françoise Gabriel (Au-delà du cimetière) pointe du doigt certains comportements bien déroutants ; Monique Leroux Serres (Angers, le 24 avril 2020), quant à elle, est tiraillée entre le plaisir de redécouvrir sa ville différemment et la tristesse due à ces mois d’incertitude où s’exacerbent le sentiment de précarité. Chantal Couliou se délecte, dans Fenêtres ouvertes, de l’absence d’avions, tout en soupirant entre ses fleurs de balcon.
Heureusement, la nature prodigue souvent un précieux soutien. Ainsi, Martine Le Normand (Est-ce que ça tourne rond ?), tout comme Françoise Deniaud-Lelièvre (Il nous reste), cherchent en elle un réconfort à leur désarroi. Marie-Noëlle Hôpital (Liberté surveillée), qui goûte pleinement ses escapades régénératrices dans un environnement généreux, signale que bien d’autres formes de confinement existent en dehors de celles imposées par la pandémie.
Régine Bobée (Dernier tango dans l’espace) se démarque complètement : son récit juxtapose deux huis clos d’un couple vieillissant, jusqu’alors ordinaire : un sur terre, empreint d’une ambiance relativement pesante, l’autre cosmique (et plutôt comique), situé dans l’habitacle de quelque vaisseau à destination de Mars (le comble en période de confinement !). La situation va-t-elle devenir insoutenable ? Une fable sensible et étonnante qui suscite une grande émotion.
Le phare, de Germain Rehlinger, prône des moyens simples mais éprouvés pour dissiper les pensées chagrines : « De cet enfermement, disque et livre nous ouvrent une porte de sortie. », tandis que, dans Un ciel sans avion Hélène Phung a rendez-vous avec « tous les silences » retrouvés. De son côté, Lise-Noëlle (L’envol) exploite cette parenthèse vacante en soignant un merle blessé avec amour.
Si Mai Ewen (Rêves) maugrée d’être empêchée de se rendre « à la côte », elle jubile pour finir, le déconfinement déclaré, de rester bichonner les jardinières de son balcon. Savourant d’une autre manière la liberté retrouvée, Claire Gardien (En voyage déconfiné) prend le train à destination des rives bretonnes, flanquée de son chien ; enfin, Françoise Maurice (Respirer le déconfinement) se réjouit, une fois les épreuves traversées, de s’accorder du temps pour aller humer l’air de la rue.
D’autres renaissances sont encore célébrées : avec L’artiste de Fond de Gaume, d’André Cayrel, ou le voyage dans le temps et l’espace offert par En tapinois, haïbun lié à trois voix (Monique Merabet, Françoise Kerisel et moi-même).
Danièle Duteil
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